mardi 20 octobre 2015

Bref, je suis féministe, et je ne me soigne pas.

Cette semaine j'ai eu une cyber-conversation avec un Monsieur que je ne connais pas, au travers de la messagerie privée d'une page Facebook que je gère avec un ami à moi. Ça commençait plutôt mal, outre le fait qu'il ne disait ni bonjour ni merde, que je n'avais pas encore bu mon café, que c'était lundi et que le ciel était gris, voilà les mots qui m'attendaient dans la boite aux lettres :

Merci maman de ne pas avoir avorté merci maman de m'avoir épargné merci maman de ne pas m'avoir tué
Ah bé putain, ça ne commençait pas bien.
J'ai bien eu quelques idées de réponses, une sorte de brainstorming mental s'est abattu sur moi, y'en avait de toutes les couleurs :

- Dis, t'es con naturellement, ou tu t’entraînes ?
- Elle n'a pas avorté maman, mais elle t'a bercé un peu près du mur, champion.
- Hey mon choubidou, si tu allais faire un tour ailleurs, voir si j'y suis ?
- Je te merde
- Euh ? C'est à moi que tu parles ?
- Je ne suis pas ta mère
- Je suis ton père (avec la voix de Dark Vador)
- Ta gueule
- Attend, bouge pas, je le note dans mon carnet invisible

Je me suis dit qu'aucune de ses réponses n'était bien convenable, et je suis allée me faire un café, en me disant que le mieux, était tout de même de ne même pas répondre.

Mais le café était bon (il peut, putain, à 30 centimes la capsule sa mère). Le soleil a pointé deux trois rayons, et ma mère m'a appris à répondre poliment quand on me parle. Alors j'ai répondu.

Bonjour Marcel, vous n'êtes absolument pas au bon endroit pour faire passer ce genre de messages. Si nous avons besoin de nous sentir coupables, nous saurons où aller. Cet espace, est un espace d'entraide et d'information objective, certainement pas de jugements de valeurs. Bien cordialement. Raquel.

Ça ne s'est pas arrêté là, je ne reproduirais pas l'ensemble de l'échange car la conversation était privée, mais il s'en est suivi une suite d'argumentation qui reprenait TOUS les ingrédients typiques des opposants au droit à l'avortement.

- l'avortement est un moyen de contraception pour femmes inconscientes
- les femmes qui avortent sont égoïstes
- avorter, c'est tuer un être humain
- le préservatif, ça existe, et c'est sur à 100% (oui j'te jure, y'en a qui le croient)
- un embryon est une personne
- toi aussi tu as été un embryon
- la femme se respecte moins qu'avant en se donnant facilement (j'te jure)
- le militantisme féministe sépare les hommes et les femmes



Si la conversation était plutôt froide au le début, elle s'est adoucie quand ce monsieur a commencé à parler de sa femme, je le trouvais bien tendre ce monsieur qui aimait son épouse depuis 49 ans déjà, et qui prenait la peine de lire mes réponses et mon argumentation, malgré que je ne mâchais pas mes mots.

Il doit avoir 70 ans environ, Marcel, et même si le contenu de certains de ses arguments était à se tirer les cheveux, j'avoue que la forme était toujours respectueuse et douce, et on sentait bien que ce n'était pas le typique extrémiste buté qui vient juste pour t'emmerder et troller un peu, non, on sentait bien que la conversation était vraie, il y avait un échange, et moi, j'aime ça échanger.

Finalement la conversation s'est bien terminé, et ce n'est pas parce que Marcel a répété 3 fois "vous avez raison" que je dis ça hein.


Je ne sais pas pour vous, mais pour moi notre dialogue fut un véritable plaisir. Bien à vous,
Marcel

Le plaisir a été partagé :)
Raquel

Je me suis bien sentie après, et je me suis sentie encore plus féministe qu'avant (si seulement c'est possible), parce qu'être féministe, ce n'est pas être extrémiste, ce n'est pas se croire supérieure aux hommes, ce n'est certainement pas les détester (moi, je les adore :P), c'est juste ne pas accepter d'être traité comme inférieure, par le simple fait d'avoir une paire de chromosomes X, et ne pas accepter que d'autres le soient.

Alors, merci Marcel. Spéciale dédicace.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Par ici les commentaires >>